Bom. Le choc avait été énorme, et je m'étais retrouvé en une seconde totalement changé, face à cette pauvre femme qui me regardais, allongée au sol, tombée sous l'impact. Et j'étais désormais brun, sur quatre sabots. Gêné, j'étais parti au triple galop, bondissant par dessus les obstacles, pour m'éloigner au plus vite de cette affreuse erreur. Merde. Pourquoi je n'avais pas fais attention !? Je m'en voulais atrocement, et tout perdu, je cherchais un coin où me cacher, tandis que les gens autour de moi me fixaient d'un air étonné. Ben oui, un cerf en plein centre ville, j'avoue, c'est pas commun. J'haletais, et finit par rentrer dans un cul de sac pour me blottir contre le mur, tremblant, le cœur au bord de l'explosion. L'effort avait été considérable, et je me repliais sur moi même, dans un coin du mur, pour essayer de me cacher, attendant que ma forme humaine daigne revenir. Même si j'allais me retrouver nu et sans vêtements, puisque j'avais abandonné ceux-ci après ma transformation. Bordel. Je me maudissais -autant que cela fusse possible- pour avoir été étourdi à ce point.

Petit à petit, le souffle me revenait et mon cœur se calmait, mes pensées s'ordonnaient doucement. Je fermais les yeux tout en ramenant ma tête vers mon ventre, attentif au moindre bruit, collé le plus possible au mur. J'avais légèrement peur. Et si quelqu'un trouvait ainsi ? J'allais me faire énormément disputé une fois rentré à la maison. Je soupirais bruyamment et jetais un coup d'œil nerveux autour de moi avant de refermer les yeux. Le pire, c'est que ma forme humaine remettait du temps à venir. Je ne comprenais pas. Certes, ça durait longtemps, mais pas autant d'habitude. Soudainement, quelques bruits de pas me parvinrent, et je redressais la tête en dressant les oreilles, alerte. Et si c'était un humain ? Un mauvais ? Je prenais sur moi et fermais un instant les yeux. J'étais grand et fort. Personne ne pouvait me faire du mal. Mais au lieu de la silhouette imposante d'un homme, comme je m'y attendais, je reconnu celle fine et adorable de Valentine, ma chère cousine. Poussant un petit soupir de soulagement, je me redressais, espérant qu'elle me remarquerait.

*Valentine..*

J'haletais, passablement anxieux, seul et sous une forme bien plus massive que celle que j'abordais habituellement. J'étais grand, musclé, brun avec une fourrure par endroits plus claire ou plus foncée, et je dois avouer que ma ramure est de plus en plus lourde. C'est pourquoi je posais ma tête au sol, espérant passer inaperçu dans cette ruelle sombre et bouchée. J'entendais encore le cri de cette femme, et le bruit de ma galopade tandis que je fuyais loin, sous la honte et la l'inquiétude du danger à venir une fois rentré. Je me collais encore plus au mur, attentif au moindre bruit, reprenant doucement mon souffle. C'est alors qu'elle entra dans la ruelle, avec ses longs cheveux bruns, l'air visiblement épuisée, un sac de papier entre les bras. Je penchais la tête et me relevais péniblement, avant de me redresser, fier comme toujours. C'était dans ma nature. Mais avec Valentine, j'étais bien plus détendu qu'avec les autres. C'était comme ça, fusionnel entre nous. Comme ci notre destin était d'être liés. Après tout, je suis le cerf et elle la biche.

Je la regarde poser son sac et penche légèrement la tête, avant d'allonger l'encolure en soufflant doucement. Elle est belle, et semble visiblement anxieuse pour moi. Intérieurement, je souris et m'approche d'elle, tandis qu'elle marche dans ma direction. Enfin, la voilà face à moi. Je me redresse et ferme doucement les yeux quand elle pose sa main sur mon chanfrein, appréciant la caresse. Valentine était quelqu'un de très doux, j'appréciais. Soufflant doucement, j'ouvrais les yeux et la fixais, puis déglutit en opinant doucement. Oui, je m'étais cogné contre une 'jolie' femme. Enfin, jolie.. Le mot était bien fort. J'aurai aimé qu'elle comprenne mes pensées. Doucement, je vins poser ma tête sur son épaule, la ramenant contre mon poitrail, cherchant une étreinte réconfortante. Bien que jamais je n'oserais l'avouer, j'avais eu peur. Et Valentine était beaucoup pour moi, je ne pouvais pas la laisser seule. Alors je la serrais tendrement contre mon poitrail, soufflant, ma ramure frôlant sa longue chevelure. Et je me détendais doucement, me sentant vraiment bien contre elle.

*Merci.. Merci d'être là.*

Les secondes s'écoulaient lentement. Trop lentement. Il aurait déjà du redevenir humain, et cela l'embêtait d'être encore un cerf. Mais d'un côté.. Il ne voulait pas tant reprendre sa forme initiale, parce qu'il serait nu.. Et ce serait vraiment gênant, maintenant qu'il était collé à son amie, sa cousine. Il sentit le visage de Valentine s'enfouir dans son épaisse fourrure, et sourit doucement de nouveau, câlinant son dos. Oui, tout était doux et tendre entre eux, c'était instinctif. Le cerf et la biche. Depuis tout petit, sa mère lui avait dit qu'elle avait hâte qu'il rencontre la biche. Qu'ils seraient bien ensembles. Et suite à leur première rencontre, ils s'étaient énormément rapprochés. Petites sorties dans la forêt, promenades main dans la main, rencontres alors qu'ils étaient sous le signe de leur maudit, confusions et rires, blagues, et il y eut même un petit baiser échangé, rapide, qui avait fait la fierté de sa mère, mais Noctus s'était lui rapidement excusé, trop gêné par l'acte qu'il avait fait par mégarde. N'empêche, Valentine avait été son premier baiser, et il avait adoré. Bien sûr, il y eut d'autres jeunes femmes que Valentine. Mais la belle biche n'avait jamais quitté ses pensées, et il ne pouvait s'empêcher de la protéger.

Le cerf serrait doucement son ami contre lui, lorsqu'un bruit sourd retentit, et que soudainement, Noctus se retrouva sur deux pattes, serrant un corps légèrement plus petit que lui, plus fin aussi. Il rougit soudainement, mais n'abandonna pas le contact, ayant tout à coup froid. Après tout, il était nu. Alors, reculant simplement son bassin pour ne pas la gêner, il enfouit son visage dans son cou et ferme les yeux, cherchant un peu de chaleur, tremblant légèrement. Quelle situation gênante.

- Merci d-de m'avoir trouvé..

Il se sentait faible tout à coup. Frissonnant, Noctus serra les dents et se blottit contre le corps chaud de son ami, les bras autour de la fine taille de son amie, tandis que ceux de Valentine étaient toujours enroulés autour de son cou. Il frissonna de nouveau, son corps était agité de léger tremblements et de sursauts. Quelle affreuse sensation. Comme ci un froid glacial venait lui piquer la peau.

Il tremblait, la serrant contre lui tout en se mordant la lèvre, les joues roses. La situation était gênante, mais il ne pouvait pas faire autrement. Il avait bien trop froid. Le vent lui glaçait les os, et il se mit a gémir faiblement, s'accrochant à elle. Il avait besoin de sa source de chaleur. Et Valentine était parfaite pour se rôle, d'autant plus que le plus âgé avait toujours été attiré par elle. C'était une chance de se rapprocher encore plus. Il sentit que sa cousine voulait se défaire, mais le cerf s'accrocha un peu plus a elle, déglutissant. Non, il ne voulait pas qu'elle parte. Il aurait bien trop froid. Et là au moins il pouvait se cacher.

« Pars pas.. Val me laisse pas.. »

Il frémit en entendant sa cousine murmurer son prénom, d'un air inquiet. Alors il la serra un peu plus, fermant les yeux. Oui, il se sentait vraiment trop faible. La course l'avait achevé, et l'attente dans le froid aussi. Il aurait aimé pouvoir se re-transformer, et ainsi emmener Val jusqu'à la demeure familiale. Là, ils auraient été au chaud, et le jeune homme aurait pu se doucher puis s'habiller, avant d'inviter sa cousine à dîner chez lui. Cela aurait été une belle opportunité. Il aurait pu lui dire ce qu'il se cachait et lui cachait depuis un moment. Depuis qu'il savait qu'elle était la biche, entre autre. Valentine lui demanda d'attendre, et se défit doucement de lui. Instinctivement, le plus âgé croisa les bras et baissa la tête pour cacher la légère rougeur de ses joues, tandis qu'il sentit un fin gilet se poser sur ses épaules. Redressant la tête, il enfila le tissu et regarda sa cousine, se mordillant la lèvre. Il sentait le regard de Valentine sur lui, et rougit un peu plus tandis que la biche lui disait qu'elle reviendrait très vite avec des vêtements pour lui. Il embrassa doucement sa joue avant de la regarder partir, puis alla se replier contre un coin du mur, refermant le gilet pour cacher son corps. Il avait froid. Noctus attendit un petit moment, les yeux clos, avant que sa jolie cousine ne revienne avec un autre sachet. D'ailleurs, le cerf avait protégé les achats de son amie, et en la voyant revenir, il redressa doucement la tête et lui adressa un fin sourire. Puis il lui tourna le dos le temps d'enfiler les vêtements achetés. A sa taille. Il sourit un peu plus et s'approcha de la biche, lui enfila doucement le gilet et prit sa main tout en déposant un baiser sur sa joue.

« Merci.. Merci Valentine. »

Il resta un moment contre elle, la serrant dans une douce étreinte, avant de se dégager et de prendre son sac. Il se sentait mieux, plus réchauffé, mais toujours aussi fatigué. Il porta les courses de Valentine, tenant toujours sa main.

« On rentre à la maison ? »

Doucement, sa peau se réchauffait grâce au vêtements que sa cousine lui avait acheté. Il souriait plus franchement, et son regard se posa sur Valentine, avant que sa main n'effleure sa joue. La peau douce de sa cousine le fit frémir, et il lui lança un doux sourire avant de poser doucement le gilet sur les épaules de la biche, lui enfilant sa veste. Il la vit sourire, et sourit a son tour, content de l'avoir trouvée. Noctus n'était pas quelqu'un de très bavard, il parlait avec ses gestes. Mais il lui arrivait bien entendu de devoir parler pour se faire comprendre.

Il appréciait leur proximité, le fait que la biche ait traversé toute la ville pour le retrouver et s'assurer qu'il allait bien. Et il l'en remerciait encore silencieusement. Doucement, ils marchèrent hors de la ruelle, Noctus s'emparant de la main de sa cousine pour entrelacer leurs doigts. C'était tout naturel. Mais il avait toujours eut ce faible pour la biche. Et bien que de nombreuses aventures soient arrivées dans le lit du cerf, il n'avait jamais oublié la jolie biche, et espérait sincèrement qu'un jour, il puisse la faire sienne. Après tout, depuis qu'il était tout petit, on lui disait que le cerf était fait pour être avec la biche. Qu'ils allaient si bien ensembles. Donc pourquoi pas ? Et puis Valentine était très belle, très douce.. Ils étaient tous les deux des maudits, de plus. En tout cas, il espérait sincèrement qu'elle l'aime un jour. Peut-être était-ce le cas ?

Perdu dans ses pensées, le cerf ne remarqua pas que sa cousine était arrêtée, et il manqua de rentrer dans un poteau, concentré à la regarder. Noctus se stoppa net dans sa marche, à quelques centimètres du poteau et lança un sourire gêné à sa cousine, avant de se redresser.

- Des courses dis-tu ? Avec plaisir ! Tant que je peux passer du temps avec toi..

Il lui sourit encore plus et serra sa main, tout en l'entraînant dans le supermarché qu'avait désigné sa cousine. Il se demandait pour qui cuisinait-elle ce soir. Peut-être pourraient-ils manger ensembles un certain soir.. ?

Noctus souriait, entrelaçant ses doigts avec la biche. Littéralement, elle lui retournait le cœur. Il la regardait avec tendresse tout en entrant dans le magasin, restant tout de même méfiant. Si jamais on osait la toucher, la personne ne s'en remettrait pas d'aussitôt, ne pourrait peut-être même plus marcher. Attiré depuis longtemps par sa cousine, le cerf était devenu largement possessif envers elle. Il la voulait. Et il ne voulait que personne d'autre ne puisse la lui prendre. C'était sa biche, et il était le cerf.

Il remarquait que dans le magasin, ils n'étaient pas seuls. De nombreuses personnes s'y trouvaient, bousculant les uns et les autres. Il regarda sa cousine prendre un panier et la laissa faire, tenant toujours sa main, au cas ou. Il était prêt à la retenir contre lui au moindre problème. Soudainement, Valentine fila vers un rayon, et le cerf la suivit en se mordant la lèvre. Cet univers lui était totalement inconnu. Il y avait des fruits partout, et des légumes. Ce sont vers ces derniers que sa cousine se dirigea, et il la suivit, tenant sa main. Non, il ne la lâcherait pas. Souriant doucement, le brun caressa sa main en la regardant hésiter. Trop mignonne. Elle est vraiment trop mignonne. Il rougit légèrement et détourna le regard vers le présentoir, regardant ce que lui montrait Valentine, évitant de la regarder. Si il s'écoutait, il l'embrasserais.

- Hmm je.. Je pense que.. Tomate et cresson ce serait bien non ? Ce sont de bons légumes, alors je pense que mixés, ils seraient délicieux ensembles..

Il fit un petit sourire timide et regarda un instant autour de lui en soufflant, afin de se calmer, avant de plonger son regard bordeaux dans celui de sa cousine. Il caressa doucement sa main et lui sourit en coin.

- Est-ce qu'on pourra se faire un dîner à deux.. ? Demain par exemple.. ?

Le cerf veillait sur son amie, un doux sourire sur les lèvres, tandis qu'il la prenait par la taille pour la protéger, au cas ou. Il était très prévenant, et refusait que l'on puisse lui faire du mal. Par moment, il se rendait compte des regards appuyés que lançaient les autres hommes sur Valentine. Alors il grondait et fronçait les sourcils en fixant la personne jusqu'à ce que celle-ci se reprenne et parte. Noctus savait se montrer très désagréable quand il le voulait, mais aussi très protecteur. Il entendit sa cousine soupirer et lui jeta un regard. Son idée n'avait pas plu ? En fait, il remarqua d'un coup d'œil l'état des tomates et se mordit la lèvre. En effet, une soupe de cresson suffirait, visiblement. Il lui jeta un regard désolé et sentit la biche lâcher sa main pour remplir le sac, avec des pommes de terre. Il sourit en la regardant, avant de rougir. Baissant les yeux, il sourit en coin a sa demande, et reprit doucement sa main, l'entraînant vers le courant de frais qui le traversait. Il était presque sur que la crème fraîche se trouverait la-bas.

- Oh.. Eh bien.. Je veux bien oui, qu'est ce que tu aimerais manger ?

Il lui sourit doucement, rosissant. Il avait d'ailleurs remarqué que les joues de sa belle cousine s'étaient teintées d'un joli rose, et cela le fit sourire. Est-ce qu'il lui faisait de l'effet ? Ou bien sa demande la gênait-elle ? Il ne savait pas. Il la laissa choisir la crème fraîche qu'elle voulait, content de ne pas s'être trompé de rayon. Puis il se mit à réfléchir à un plat qu'il aimerait. Des pâtes ? Du riz ? Du sucré ? Du salé, les deux mélangés ? Il ne savait pas trop, mais ne voulait pas vraiment de viande. Il lui arrivait d'en manger, mais il était loin d'adorer ça. Alors il se tourna vers Valentine, tenant sa main, et lui lança son plus beau sourire.

Pour une fois, ce fut le brun qui se laissait traîner dans le magasin, laissant sa cousine l'entraîner dans tous les rayons, à la recherche de ce qu'il mangerait demain. Il était heureux qu'elle ai acceptée le repas, et se dit que ce serait une bonne occasion pour lui parler de ce qu'il ressentait. Non ? Souriant, les joues roses, Noctus attrapa à la va-vite un lot de bougies rouges et grandes, qu'il mettrait sur les chandelles de sa maison. Devant le regard de Valentine, il lui lança un adorable sourire.

- C'est pour rendre l'atmosphère plus romantique !

Il se mordit la lèvre en souriant, la suivant toujours, avant que cette dernière ne s'arrête devant une fougasse aux champignons. Le cerf se pencha, venant coller son torse contre le dos de sa cousine et regarda par dessus son épaule. Hmm. Cela avait l'air délicieux. Il sourit en coin et attrapa la plus appétissante, hochant la tête à la question de sa cousine. Ils étaient prêts de l'entrée, alors le cerf attrapa un des grands sacs à vendre et mit leurs achats dedans, y ajouta une bouteille du meilleur cidre de la boutique, puis déposa ses lèvres sur la joue de sa cousine.

- Comme ça, le repas sera parfait, tu ne penses pas ?

Il avait presque envie que le repas soit ce soir. Rougissant doucement, le cerf attira sa cousine vers la caisse et paya les achats. Elle avait déjà assez utilisé son porte-monnaie pour aujourd'hui, et il n'avait qu'à prononcer la formulaire magique pour payer. Il mit toutes leurs courses dans le grand sac, puis le porta, reprenant la main de Valentine tout en l'entraînant hors de la boutique. Il faisait frais, aussi se rapprocha t-il de sa cousine tout en marchant vers leur résidence familiale. Mais pourtant, son pas était lent. Il n'avait pas forcément envie de rentrer, légèrement pensif. Il hésitait à faire quelque chose. Prenant son courage à deux mains, le cerf s'arrêta et regarda la biche, avant de poser doucement ses lèvres sur les siennes, avec tendresse, fermant les yeux. Le baiser ne dura que quelques secondes, puis il recula et la regarda, les joues rouges. C'était bien la première fois qu'il laissait sa fierté de côté et laissait voir sa gêne.

[Fin première partie]